"psychologue, psychotherapeute, TCC, psychopraticienne, psycho-praticienne"
12/01/2025
LâInternational Association for the Study of Pain dĂ©finit la douleur comme une expĂ©rience sensorielle et Ă©motionnelle dĂ©sagrĂ©able, associĂ©e Ă une lĂ©sion rĂ©elle ou potentielle ou dĂ©crite en des termes Ă©voquant une telle lĂ©sion (Merskey, 1986). Par consĂ©quent, la douleur est ce que la personne qui en est atteinte exprime. La douleur chronique, ou encore nommĂ©e « syndrome douloureux chronique » est un syndrome multidimensionnel, oĂč se retrouvent des aspects sensoriels, Ă©motionnels (anxiĂ©tĂ©, stress, ..) et sociaux (rĂ©percussion financiĂšre, isolement..).
Ce symptoÌme existe deÌs lors que la personne affirme la ressentir, quâune cause soit identifieÌe ou non, quelles que soient sa topographie et son intensiteÌ. Ce syndrome douloureux chronique rĂ©pond Ă plusieurs caractĂ©ristiques :
Il est important de noter quâelle peut ĂȘtre accompagnĂ©e de
Il est impossible de ressentir la douleur pour autrui, elle nâest pas visible en imagerie mĂ©dicale, comme le serait une fracture, ou mesurable avec un appareil, comme la tension artĂ©rielle, ou par un test sanguin. La douleur est une expĂ©rience personnelle qui doit ĂȘtre accueillie sans jugement.
La douleur dĂ©clenche une rĂ©action dâalerte et dâattention ainsi que du stress (rĂ©action de dĂ©fense face Ă une menace ressentie) ; ces rĂ©actions saines permettent de dĂ©velopper des stratĂ©gies dâadaptation (recherche de soulagement, consultation mĂ©dicale, mise au repos de la rĂ©gion du corps souffrante...). Si la douleur persiste, ces rĂ©actions sâĂ©puisent, et le stress devient chronique avec lâinstallation de troubles du caractĂšre, de la fatigue, de la perte dâenvie et de la perte dâĂ©nergie. Sâensuivent lâinactivitĂ© physique, le retrait de la vie professionnelle et sociale, la perte de contact avec ses amis ce qui conduit Ă la dĂ©prime de la personne douloureuse. Lâentourage en souffre quâil soit de la sphĂšre conjugale, familiale ou professionnelle.
Par ailleurs, il faut souligner que deux personnes diffĂ©rentes ne ressentiront pas une mĂȘme douleur de façon similaire. En effet, le cerveau nâinterprĂšte pas de la mĂȘme maniĂšre les messages de douleur selon les personnes. De plus, nous ressentons et exprimons notre douleur en fonction de notre expĂ©rience de vie personnelle.
Enfin, parfois, le systĂšme dâalarme de la douleur est en dĂ©faut par le fait quâil alerte alors quâil nây a pas nĂ©cessitĂ© (pas de blessure ou maladie concrĂšte) ou alors le message est disproportionnĂ© par rapport Ă la taille de la lĂ©sion ou de son origine. Lâabsence de lĂ©sion Ă©volutive visible ne veut pas dire quâil nây a pas de douleur. Il sâagit dâun dysfonctionnement du systĂšme nerveux qui code pour la douleur.
La douleur chronique peut sâaccompagner de troubles psychologiques.
La dĂ©pression est le trouble psychologique le plus habituel parce quâelle est une consĂ©quence de lâimpact invalidant de la douleur et la dĂ©pression nâest pas causĂ©e par la douleur elle-mĂȘme. Votre aptitude au travail, votre difficultĂ© Ă ĂȘtre prĂ©sent dans la sphĂšre sociale, Ă interagir dans votre famille ou encore pouvoir participer Ă des loisirs font que vous ĂȘtes dĂ©primĂ©s.
De plus, la douleur chronique fait ressurgir des peurs dont celle dâun accroissement de la douleur, quâelle restera prĂ©sente dans lâavenir, peur de rĂ©aliser certaines tĂąches qui peuvent augmenter la douleur, peur de ne plus pouvoir ĂȘtre opĂ©rationnel professionnellement ou de devoir cesser de travailler. La dĂ©pression sâassocie alors Ă une anxiĂ©tĂ© gĂ©nĂ©rale et ce qui amĂšne la personne douloureuse Ă des pensĂ©es de catastrophisme liĂ©es Ă cette menace quâest la douleur, ce qui amplifie le ressenti du fait douloureux. Selon les chercheurs, la dramatisation augmente la douleur et peut aussi accentuer la peur, lâanxiĂ©tĂ©, la dĂ©pression et le stress. A contrario, une anxiĂ©tĂ© lĂ©gĂšre peut nous encourager Ă faire les dĂ©marches nĂ©cessaires (prise de rendez-vous mĂ©dicaux ou de bien-ĂȘtre, recherche dâinformationsâŠ) et vous permettre dâaffronter la douleur.
Ces rĂ©actions que sont la peur et lâanxiĂ©tĂ© doivent faire lâobjet dâune prise en charge pour quâelles nâaugmentent pas la douleur et que tout devienne un cercle vicieux.
Enfin, la colĂšre et la frustration sont frĂ©quemment prĂ©sentes lorsque les douleurs paralysent la personne depuis plusieurs mois. La frustration est une rĂ©ponse Ă©motionnelle normale puisque cette douleur empĂȘche la concrĂ©tisation des buts fixĂ©s, quâils soient professionnels, de type activitĂ©s sportives ou encore relations familiales et conjugales. Lorsque le temps passe et quâaucune solution ne se profile, la colĂšre accompagne la frustration. Cette colĂšre est aussi bien dirigĂ©e contre soi-mĂȘme que contre lâentourage, ce qui conduit bien souvent Ă dĂ©tĂ©riorer les relations familiales ou professionnelles. La colĂšre intĂ©rieure est le nid Ă la dĂ©pression, au manque dâestime de soi et va aussi Ă nouveau alimenter une plus grande sensibilitĂ© Ă la douleur.
LâenchevĂȘtrement entre douleurs et Ă©motions est de plus en plus dĂ©montrĂ©. Les Ă©motions sont autant une vulnĂ©rabilitĂ© quâune alliĂ©e lorsque la douleur a rĂ©gressĂ© mĂȘme sur un temps court. RĂ©pĂ©tons-le, du moment que la personne exprime de la douleur, celle-ci existe. Toutefois, par le biais des neurosciences, nous savons maintenant que les douleurs rebelles peuvent ĂȘtre la trace dâexpĂ©riences de type traumatique, pouvant ĂȘtre liĂ©es Ă lâenfance et ayant, par exemple, laissĂ© des signaux neuropsychologiques. Il sâagit donc de faire comprendre au patient douloureux que câest une possibilitĂ© dâexploration complĂ©mentaire pouvant conduire Ă un allĂ©gement ou un soulagement des douleurs perçues en dehors du mĂ©dicament.
Les émotions sont donc une vulnérabilité comme un facteur de maintien.
Les Ă©motions font partie intĂ©grante de la douleur, ce qui dâailleurs est contenu dans sa dĂ©finition actuelle, selon lâAssociation internationale pour lâĂ©tude de la douleur (IASP) : « Une expĂ©rience sensorielle et Ă©motionnelle dĂ©sagrĂ©able [âŠ] ». Dans le domaine des neurosciences, les recherches ont montrĂ© que « lâinflux nerveux nociceptif » gĂ©nĂ©rĂ© par une lĂ©sion du corps ne devient une « douleur » quâaprĂšs son analyse par les centres cĂ©rĂ©braux impliquĂ©s dans la cognition, la mĂ©moire et les affects.
Cette combinaison sensorielle et Ă©motionnelle est Ă partager avec les patients comme une donnĂ©e Ă mieux reconnaĂźtre, parce quâelle amĂšne de nombreuses possibilitĂ©s de soulagement. Diverses psychothĂ©rapies, dont notamment les thĂ©rapies cognitives et comportementales, permettent dâexplorer les sensations douloureuses ressenties, dâidentifier leurs liens avec les Ă©motions ou ses propres vulnĂ©rabilitĂ©s, pour mieux les accueillir, mieux les contrĂŽler ou mieux les surmonter.
Les travaux de neurosciences reconnaissent cette approche au niveau cĂ©rĂ©bral, en montrant que le psychisme est un modulateur puissant de la douleur Ă la fois dans sa capacitĂ© Ă la freiner mais Ă©galement Ă lâamplifier, que le cortex peut faire apparaĂźtre une douleur «mĂ©moire» sans « localisation » extĂ©rieure, comme dans certaines douleurs «fantĂŽme» aprĂšs amputation.
La recherche en imagerie cĂ©rĂ©brale de la douleur a montrĂ© quâil existait des zones pressenties qui correspondaient au corps et qui reprĂ©sentaient lâentrĂ©e du message et des zones non spĂ©cifiques comme des zones Ă©motionnelles ou cognitives communes Ă dâautres activitĂ©s mentales. De plus, il existe ainsi une superposition entre les aires Ă©motionnelles et la matrice de la douleur. Le message douloureux arrive alors au niveau dâaires cĂ©rĂ©brales primaires prĂ©visibles, modifiĂ©es par des processus cognitifs et Ă©motionnels qui lui donnent du sens.
PhĂ©nomĂšne dâhypersensibilisation
Lorsquâune personne vit avec des douleurs chroniques, ses terminaisons nerveuses, ses nerfs et son cerveau sont toujours en Ă©tat dâalerte. Ils deviennent donc beaucoup plus vigilants, sensibles, Ă tout ce qui les entoure. La douleur nâest alors pas synonyme de blessure.
Chez les personnes avec un systĂšme nerveux hypersensible, les Ă©motions modulent lâanalyse faite par le cerveau et changent la conclusion sur le danger potentiel. Les Ă©motions peuvent alors augmenter ou diminuer indirectement la douleur. Si lâon examine les Ă©motions nĂ©gatives comme la peur, le stress, lâanxiĂ©tĂ©, la tristesse, la colĂšre, elles font augmenter lâintensitĂ© de la douleur. Dans le cas des Ă©motions positives comme la joie, la gratitude, la fiertĂ©, elles diminuent lâintensitĂ© de la douleur. Pour les personnes ayant des douleurs chroniques, la prĂ©sence de la douleur depuis plusieurs mois conduit Ă des Ă©motions telles que la frustration, la colĂšre, lâanxiĂ©tĂ© ou la tristesse. Le cerveau perçoit ces Ă©motions et la douleur est alors augmentĂ©e.
La douleur et somatisation
La souffrance morale peut sâexprimer parfois par la souffrance du corps et câest ce que lâon nomme somatisation. Des Ă©tudes montrent que le syndrome de stress post-traumatique est plus frĂ©quemment retrouvĂ© chez les malades douloureux chroniques. Cette douleur persistante semble cohabiter avec celle de lâĂ©motion liĂ©e au traumatisme. Enfin, de nouveaux travaux indiquent Ă©galement un lien entre le sentiment dâinjustice et lâintensitĂ© de la douleur.
Lâapport des ThĂ©rapies Comportementales et Cognitives (TCC) dans les syndromes douloureux
Elles sont en prolongement de lâapproche multidisciplinaire de la douleur chronique. Elles sont la dĂ©marche scientifique appliquĂ©e Ă la psychothĂ©rapie. Elles se centrent sur le comportement douloureux chronique.
Elles sont donc une mĂ©thode psychothĂ©rapique structurĂ©e, de durĂ©e gĂ©nĂ©ralement brĂšve, et ayant fait initialement lâobjet de multiples travaux dans le traitement des patients dĂ©pressifs et anxieux.
Elles sont mieux acceptĂ©es par les patients douloureux puisquâelles ne sont pas purement « psy » mais soutiennent le client par des mĂ©thodes et outils. Elles sont validĂ©es par des recommandations internationales parce quâelles ont prouvĂ© leur efficacitĂ© chez ces patients.
Les Ă©tapes clefs de cette prise en charge sont une analyse fonctionnelle. Par celle-ci, tous les antĂ©cĂ©dents et les situations sont mis en perspective pour rĂ©pondre aux objectifs thĂ©rapeutiques. Câest une Ă©valuation des cognitions, des croyances, des Ă©motions et des comportements inappropriĂ©s en relation avec cette douleur. Par ailleurs, des mesures par des Ă©chelles et des questionnaires sont proposĂ©s aux clients de façon Ă obtenir une ligne de base. Ces mesures seront renouvelĂ©es pendant et en fin de thĂ©rapie de maniĂšre Ă obtenir un suivi structurĂ© de lâavancement de cette prise en charge. De plus, une attention particuliĂšre sera apportĂ©e Ă la motivation du patient Ă entreprendre cette dĂ©marche par cette thĂ©rapie. Si besoin, un entretien Ă caractĂšre motivationnel sera entrepris.
Enfin, lâalliance thĂ©rapeutique entre le patient et le thĂ©rapeute est essentielle et elle repose sur la bienveillance, lâempathie, le non-jugement et la congruence.
DiffĂ©rentes mĂ©thodes et des outils variĂ©s sont Ă disposition du client et de son thĂ©rapeute. Ceux-ci sont choisis en accord avec le patient et sont Ă©galement dĂ©terminĂ©s par une analyse fine des mesures par les Ă©chelles et questionnaires passĂ©s. DiffĂ©rentes approches coexistent mais toutes prennent appui sur une certaine Ă©ducation thĂ©rapeutique sur la douleur (psychoĂ©ducation). En effet, mieux connaitre son « Ă©tat » permet au patient de comprendre les implications corporelles, Ă©motionnelles, cognitives, comportementales⊠et ainsi mieux sâengager dans le plan thĂ©rapeutique dĂ©cidĂ© collaborativement. En outre, pour booster lâacquisition de la prise en charge, des tĂąches au domicile sont proposĂ©es au patient (celles-ci ont toujours Ă©tĂ© expĂ©rimentĂ©es en sĂ©ance).
La quatriĂšme vague des TCC va dans le sens que le fait dâaccueillir la douleur va aider le patient (ThĂ©rapie d'acceptation et d'engagement - ACT). Lâexplication en est que le cerveau, sachant conduire une seule action en mĂȘme temps, est dĂ©barrassĂ© de ruminations relatives Ă la colĂšre, frustration⊠par rapport Ă cette douleur et est alors plus opĂ©rationnel pour entreprendre des opĂ©rations visant un certain soulagement et conduire Ă un mieux-ĂȘtre.
Quelques unes des méthodes sont :